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  WORT AN WORT


 

Wir wohnen                       Nous vivons

Wort an Wort                     au mot près

Sag mir                                       Dis-moi

dein liebtes                         ton préféré

Freund                                              Ami

meines heißt         Le mien se nomme

DU                                                      TOI

Rose Ausländer,

Noch ist Raum,

1976.

Vivre, 

         habiter, 

 

- wohnen donc - 

 

                                        poétiquement,

 

 

par le poème  

grâce au poème 

 

le monde

... 

COLLECTION

au mot près

.

Vivre, habiter poétiquement le monde, cela ne se peut que dans une langue ; mieux : qu’à l’écoute de cette langue unique - le plus souvent - dans laquelle et à travers laquelle nous vivons et percevons, pensons et agissons, écrivons et lisons : pour tout dire, habitons également. 

Monde et mots naissent ensemble ; nous habitons le monde en habitant les mots - et nul mieux que le poète n’en est capable. Sans quoi c’est l’immonde - le non-monde - qui naît : les mots, utilisés, se font “éléments de langage” défigurant alors les choses comme ils “nous” défigurent. 

Alors qu’ils peuvent, libres - si l’on sait user, entre autres, des “figures du langage“ : de ses tours, de ses détours - ouvrir, rouvrir, déployer le monde dans sa diversité et multiplicité : en faire naître sous nos yeux de nouvelles ou renouvelées figures. 

Mais il faut, pour cela, atteindre le point d’exactitude du poème, de sa langue propre, unique. Bien trop souvent, cette dernière se trouve - quand on la traduit - assagie, transformée, pour les besoins d’une meilleure communication, compréhension. 

Oh ! la pensée du traducteur soucieuse, au moment de traduire, de son futur lecteur - mais au bout du compte méprisante - qui ne “comprendrait pas”, qu’on “dérouterait trop” si on traduisait le poème au mot près :  la lettre du poème et non seul esprit. Charabia, même, dira-t-on.

Mais non ! : “la traduction de la lettre d’un texte ne revient aucunement à faire du mot à mot” (A. Berman, L’épreuve de l’étranger, ou l’auberge du lointain), un mot à mot servile et ridiculement littéral en tout cas : c’est  se risquer à accueillir dans sa langue ce qui d’abord détonne et sur quoi on achoppe toujours : l’altérité d’un texte évidemment étranger, étrange. 

Cet étrange(re)té, pour qui ne veut l’acclimater mais la faire résonner, n’est pas simple obstacle à effacer ou esquiver, mais ce qui, justement, poussant le traducteur - et sa langue avec - dans ses derniers retranchements, les pousse alors à puiser radicalement dans leurs dernières ressources jusqu'à porter la langue et le métier à son extrême possibilité. 

 

Ainsi, la collection au mot près aura pour ambition de revivifier les anciennes traductions, ou belles infidèles, tout autant qu’à engager une retraduction ou traductions inédites de textes récents afin de tenter, dans la pratique, de résoudre le dilemme, l’aporie exposée par W. Humboldt dans sa Lettre à Schlegel du 23 juillet 1796 : 

 

“Chaque traducteur doit immanquablement rencontrer l’un des deux écueils suivants ; il s’en tiendra avec trop d’exactitude ou bien à l’original, aux dépens du goût et de la langue de son peuple, ou bien à l’originalité de son peuple aux dépens de l’oeuvre à traduire.”

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