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COLLECTION

avec un salut

.

AUFTRAG

/

MISSION


 

Ich erlaubte dem Wind

durch meinen Sprachraum

zu fliegen

 

schickte ihn 

zu dir 

mit einem Gruß 

 

Hat er 

dich schon erreicht 

Sprachbruder 

/

J’ai permis au vent

à travers l’espace de ma langue

de voler

 

l’ai envoyé

à toi

avec un salut

 

Est-il

jusqu’à toi    déjà parvenu

frère de langue

Rose Ausländer, 

 Noch ist Raum

1976.

Saluer, c’est accueillir et reconnaître. C’est indiquer d’un geste, même maladroit, même avorté parfois, l’existence d’un espace, l’émergence d’un milieu où se rejoindre, se rencontrer. 

Avec un salut, donc, on peut, on vient montrer, manifester le présent de sa présence à l’autre - c’est bien ce que dit, entre autres, le poème de R. Ausländer. Et ce présent de notre présence est double : à la fois temps et don - parfois don du temps : hospitalité même. 

Et l’espace alors se configure autrement : quelque chose s’invente qui fait la distance s’éloigner et l’approche possible. En un mot, la manifestation de notre présence à l’autre ouvre le chemin d’une croisée ; et le temps d’un accompagner. Mission ! sans doute de l’éditeur : inventer l’espace possible d’une rencontre - entre l’auteur et lui-même, d’abord, entre l’auteur et le lecteur et l’auteur ensuite. 

Le livre, c’est d’abord cela, et avec autant d’incertitude et d’errance, de confiance accordée à/dans l’à-venir, que pour la feuille peut-être détachée et menée (où ?) par le vent et à son gré. 

Avec un salut, donc - le geste, la collection ; cette collection qui veut  être ce geste - on tente la mise en espace-temps de ce précaire qu’est la reconnaissance. 

Ici, pour les éditions atmen : vis-à-vis des auteurs du passé déjà publié qu’il faut bien saluer à nouveau ; et de nouveau publier : la mémoire, où s’entretient, et les choses de l’esprit, même les plus grandes, peuvent disparaître, faute d’être connues, reconnues. 

Avoir soin, souci de ce non-oubli, offrir l’hospitalité - de la Maison ; mais pas seulement vis-à-vis des morts mais aussi des vivants, du passé mais de l’avenir : les auteurs du temps présent.

Avec un salut, dans l’indifférence et/ou le tournis de l’époque, faire ce geste qui est de faire un geste : d’offrir ainsi visibilité, comme on peut, dans l’incertitude même de l’effet suscité, à ce qui compte ou devrait nécessairement compter, d’indiquer une voie possible en “frères-de-langue” à chacun, mieux : à chaque-un : 

 

“le livre est d’abord une action. Il déplace des rapports, instaure du visible, scande des espaces, et, par cela même, fait signe vers un possible 'sens'. 'sens' veut dire : direction des regards, du corps tout entier, lequel se dispose à agir en retour afin de répondre à l’attente dont l’apparition des signes aura creusé, dans l’écrit, la potentialité vivante.

 

Seul un signe peut faire 'sens'. Denis Roche : 'Hep ! vous, là-bas !' L’opération du livre est d’abord dans cet appel, ce salut, ce mouvement comme du bras, de la main ; l’inscription efficace d’une urgence (ou, au contraire, la détermination calme, méditée, de cadences choisies).”   J.-P. Michel 

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